Témoignage de Marius YRRIEN,élève en 1ère puis Tale
J'ai eu l'occasion de participer à de nombreux événements organisés par le groupe Make Art Bloch : le premier auquel je pris part fut donné en hommage à Samuel Paty, tout comme le dernier qui, au moment où j'écris, est le plus récent. Ayant contribué tôt et régulièrement à ces manifestations des valeurs républicaines à travers l'art, j'ai pu constater l'évolution environnementale et personnelle qu'elles ont pu provoquer. C'est d'ailleurs précisément ce que je me propose d'exposer ici.
L'objectif de la première cérémonie était de donner au lycée un moment pour contempler à nouveau la gravité et les enjeux de l'assassinat de Samuel Paty. Le groupe n'existait pas réellement ; quelques élèves volontaires ont été réunis pour communiquer leurs impressions et leurs idées de façon personnelle, par un art auquel ils étaient initiés et sensibles. Le moment offert au lycée fut simple, grave et touchant à mon opinion : quelques textes (des discours, des poèmes) accompagnés de musique et une interprétation du Chant des partisans. J'ai pu, à cette occasion, lire un poème de ma composition. À ce moment-là, je ne m'imaginais pas capable de faire la lecture de quoi que ce soit devant un public aussi important et aussi inconnu que celui qui m'écoutait, ni d'écrire quoi que ce soit qui en soit digne. Je pense que cette expérience m'a permis de démystifier l'épreuve orale, c'est aussi à ce moment-là, voyant l'accueil qu'avait reçu ma production, que j'ai commencé à accorder plus de crédibilité à mes textes.
Nous avons ensuite organisé un moment de commémoration des génocides. Les effectifs d'artistes étaient déjà significativement plus importants et plus variés : nous avons été rejoints par d'autres instrumentalistes, par d'autres orateurs et par des artistes plastiques, aussi avons-nous pu varier les performances artistiques qui composaient la cérémonie. J'ai lu et composé un discours qui avait l'ambition de présenter la cérémonie, son sujet et ses enjeux. L'idée de parler devant un public me semblait alors moins affreuse, bien que je fusse toujours assez intimidé. À nouveau, le retour du public et de mes collaborateurs (élèves, professeurs et personnel) quant à ma performance me fit prendre confiance en mes productions.
L'animation donnée le jour international des droits de la femme fut autrement intéressante du fait que le sujet n’appelait pas la même gravité que les spectacles précédents : il s'agissait d'un rappel des luttes passées et d'une invitation à la mobilisation quant aux luttes présentes concernant les droits de la femme. Le nombre d'artistes avait alors encore augmenté et, si les textes lus cherchaient plutôt à mettre en exergue l'importance des combats et des victoires en matière de parité, les morceaux interprétés permettaient une célébration de la femme et de ses accomplissements grâce à leur caractère entraînant (ce qui, pour des raisons évidentes, ne se retrouvait pas dans les cérémonies précédentes). Je lus alors un discours que j'avais composé qui, comme lors de la cérémonie précédente, devait exposer le sens d'une telle animation. Je me rappelle avoir été étonnement serein au moment de parler et toujours aussi réjoui d'avoir été bien reçu.
Suivit ensuite le moment organisé à l'occasion de la journée de la fraternité. Contrairement aux autres animations qui ne purent qu'évoquer leur sujet, celle-ci en fit une édifiante démonstration : une cinquantaine d'élèves collaborèrent, selon la discipline artistique à laquelle ils étaient initiés, afin de créer un spectacle vivant au sujet de et à partir de la fraternité. Les artistes étaient encore plus nombreux et, cette fois, nous fûmes rejoints par des acteurs et par des danseurs. Cette animation fut autrement plus festive que la précédente (en adéquation avec la fin d'année scolaire). J'y ai participé en jouant et en écrivant. J'ai en effet pu jouer, avec mon jumeau, un extrait d'une pièce de théâtre et j'ai pu écrire trois scènes au propos introductif et explicatif : deux choses que je n'aurais jamais eu la confiance de faire en début d'année. Les difficultés que j'ai pu rencontrer n'étaient plus les mêmes que celles qui m'étaient familières (manque d'aisance à l'oral, de confiance à l'écrit), elles résidaient surtout dans la nouveauté de ce que j'entreprenais.
Un peu avant la fin de l'année, il me fut proposé de participer, avec d'autres membres du groupe Make Art Bloch, à la fête de la musique de la commune du lycée (Val-de-Reuil). Je n'avais alors jamais exercé une discipline musicale. J’obtins cependant des retours très positifs quant au slam que j'ai interprété, ce qui fut une très agréable et inespérée surprise.
En ce début d'année, le groupe se reconstitue, suite au départ des élèves de terminale. Grâce à l'aide de nouveaux artistes, nous avons tout de même pu organiser un moment musical peu après la rentrée. Je nommais alors les artistes et les morceaux qu'ils interprétaient, ce qui est maintenant pour moi une simple formalité. Nous avons donné un concert analogue lors de l'échange franco-allemand organisé par le lycée. Il me fallut alors parler en français et en allemand.
Enfin, nous avons réitéré la commémoration de l'assassinat de Samuel Paty : un moment solennel et, à mon goût, puissant, de lecture de compositions et d'interprétations de chants. J'ai alors pu lire un poème de ma composition, ce qui n'est plus, pour moi, une épreuve angoissante.
Si je devais résumer cette chronologie par les effets qu'elle a eus, je dirais que ces animations ont permis au lycée de profiter de l'art dormant de ses élèves et de ses professeurs qui s'en servirent pour questionner, éprouver et manifester les valeurs de la république : chacun a pu profiter, voire participer à une exploration et à une réflexion sur ces valeurs et leur importance. Les artistes du lycée ont pu se rencontrer ; j'ai moi-même fait la connaissance de nombreuses personnes de cette façon. C'est surtout l'évolution personnelle que je constate chez moi et que j'ai pu constater chez d'autres qui m'impressionne le plus. Au début de la dernière année scolaire, je ne me serais pensé ni capable d'écrire un texte qui vaille la peine d'être lu, ni de le lire. Aujourd'hui, à force d'expérimentations et d'expériences, je me sais capable de jouer, de slamer, de parler devant un public français ou allemand et d'écrire un discours, une pièce de théâtre, un poème ou un témoignage.
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