MAB : BILAN 2022… ET PROJETS POUR 2023
L’année scolaire s’achève, c’est le moment des rétrospectives et de l’introspection ; pour cette fois, c’est un plaisir presque sans mélange de se replonger dans ces quelques neuf derniers mois marqués par la genèse d’un projet désormais appelé Make Art Bloch.
Tout a commencé en novembre 2021 quand, à la demande de Mme Lefevre, il a été question de penser à un projet sur les Valeurs de la République. Il nous apparaissait évident que l’on ne pouvait en faire un énième dispositif pédagogique trop classique, nous souhaitions faire vivre ces valeurs voire les incarner. L’idée de départ a été de s’adosser à quelques-unes des commémorations porteuses de sens, particulièrement à Val de Reuil.
Le premier moment fort eut lieu, le mardi 30 novembre 2021, à l’occasion de la panthéonisation de Joséphine Baker ; son parcours personnel, son engagement dans la Résistance et pour les droits civiques méritaient d’être rappelés dans le cadre du lycée. Avec Mme Hangard et M. Doise, il a été décidé de proposer une exposition retraçant la vie de J. Baker (avec un quizz auquel ont participé 145 élèves), mais aussi une animation basée sur la lecture, en français et en anglais, de discours de J. Baker par Dévy Sam, Loïs Banguid, Jodie Doué, Claude-Exaucée Tounde-Massamba et Evan Lucas, lecture précédée par une évocation (par Alexis Cantineau) de la vie de l’artiste engagée et suivie par la présentation d’œuvres créées pour l’occasion par Samira Benakila, Gabriel Burietz et Gabriel Yeche, tous membres de l’atelier Arts plastiques ; de son côté, Antoine Cadec et Chloé Grajewski avaient la responsabilité de sélectionner, de diffuser et de présenter une chanson de J. Baker tous les jours de la semaine. La composition de cette troupe initiale se voulait aussi un écho à la « tribu arc-en-ciel » désirée par J. Baker.
Le deuxième moment a été une commande : marquée par la présence de portraits de Samuel Paty dans l’établissement, Mme Lefevre proposa qu’à l’occasion de la journée de la laïcité la salle de conférence soit rebaptisée du nom du professeur assassiné le 16 octobre 2020. Deux réunions préparatoires eurent lieu ; lors de la première on détermina l’architecture d’ensemble avec l’idée d’une déambulation de la salle de conférence au patio du CDI en passant par le hall du rez-de-chaussée où devait être placé un sapin ; la seconde eut lieu une semaine avant la cérémonie du jeudi 9 décembre afin d’en préciser le déroulement : la 1ère étape, consacrée à l’inauguration de la salle Samuel Paty, fut naturellement ponctuée par les discours de Mme Lefevre et de Mme Cantrelle, mais aussi par la participation active d’élèves : Mehdi Lorente récita le poème de Gauvain Sers, Antoine Cadec lut un texte de sa composition accompagné musicalement par Valentine Bauche et Mme Garac, puis Alexis Cantineau interpréta la chanson de U2 qu’appréciait tant S. Paty. La 2e étape, dans le hall du rez-de-chaussée, marqua aussi la participation des élèves du lycée à travers leurs délégués qui ornèrent le sapin de fiches où avaient été inscrites préalablement des phrases évocatrices de la laïcité. Marius Yrrien et Kawtar Rafyq purent lire deux textes rédigés par leur soin avant que la chorale du lycée, reconstituée pour l’occasion, entonna le Chant des Partisans. La 3e étape correspondait à l’inauguration de la Marianne d’Obey placée dans le patio du CDI ; après l’allocution de Mme Duvallet et l’intervention de Mahylis Picot, la cérémonie se termina par la Marseillaise interprétée par Dévy Sam et la chorale. Cette deuxième animation, émouvante, annonçait les suivantes avec une part grandissante de l’expression musicale.
Le troisième moment trouve son origine - quelques jours après le 9 décembre - dans la proposition de T. Gebührer de faire visionner un documentaire consacré à Denise Holstein, juive rouennaise déportée à Auschwitz. La simple projection, même suivie d’un échange, ne nous semblant pas suffisante, il a été décidé, avec les élèves de la Troupe naissante, d’organiser le 28 janvier 2022 une commémoration des victimes des crimes génocidaires. Trois de ces crimes furent alors évoqués à travers des œuvres poétiques et musicales : la Shoah avec Shema de Primo Levi, Fugue de Mort de Paul Celan et Nuit et Brouillard de Jean Ferrat ; les crimes au Cambodge avec The New Regime de Sarith Pou et une chanson de Ros Serey Sothea, artiste victime des Khmers rouges ; le génocide au Rwanda avec un poème de Beata Umubyeyi Mairesse et Petit pays de Gaël Faye. Mahylis Picot, Antoine Bultel et Marius Yrrien eurent en charge de donner des éléments d’explication et de contextualisation ; Baptiste Godefroy et Mailys Pimont organisèrent et présentèrent une exposition photographique à travers des portraits de victimes des différents crimes de masse perpétrés depuis le XIXe siècle sur différents continents ; Gabriel Yèche réalisa et présenta une grande fresque évocatrice des douleurs des victimes. Le moment fut intense, Mme Moncada, directrice académique (DASEN) put en témoigner.
La troupe s’étoffait, avec deux douzaines d’élèves l’effectif avait plus que doublé depuis le 30 novembre ; d’autres allaient bientôt nous rejoindre.
Le quatrième moment avait été évoqué d’emblée dès novembre 2021 : la journée des droits des femmes le 8 mars 2022. Après la liberté, il s’agissait d’évoquer l’égalité. Plusieurs initiatives s’inscrivirent dans ce projet, notamment un « café tabou » animé par Bernard Chambré. Pour la Troupe, l’ambition était de présenter l’affirmation du droit des femmes depuis le milieu du XXe siècle en deux phases : la reconnaissance progressive dans les années 1950-1970 suivie de l’affirmation des droits des femmes depuis les années 1970, le tout à travers des interventions d’élèves permettant une mise en perspective et l’interprétation d’une douzaine de chansons et poèmes en lien avec le thème. Une cinquantaine d’élèves et de membres du personnel participèrent à cette animation en tant que récitants, chanteurs, musiciens, plasticiens. Ce fut un beau moment fédérateur précédé de la lecture d’une poésie de Lessia Oukraïnka, autrice ukrainienne, alors que l’invasion russe avait débuté douze jours auparavant.
Le cinquième moment s’est imposé après avoir entendu un texte écrit et chanté par Nathan Tembo-Makunia qui, aidé d’Aisnley Pindi, avait accepté de composer un rap sur le thème de l’esclavage. Moins d’une semaine plus tard, le mardi 10 mai, en salle S. Paty, nous rendions hommage aux victimes de l’esclavage et de la traite négrière : Jeanne Lefort et Jade Thiry apportèrent tout d’abord l’approche historique, puis alternativement nous pûmes entendre des textes d’Aimé Césaire et de Franz Fanon lus par Maëva Akelé, Florian Brocart, Claude-Exaucée Toundé-Massamba et des chansons inédites, celle de Nathan et celle de Noah Larochelle qui tous deux intégrèrent la Troupe pour ce qui devait être le dernier moment de partage.
Le sixième moment se voulait fédérateur d’où l’idée de fêter la Fraternité avant de se séparer. Durant près de deux heures, le vendredi 3 juin, une cinquantaine d’élèves célébrèrent cette valeur dans la cour du lycée selon une approche « multiscalaire » : la phratrie, les amis, l’humanité. Le public put entendre une douzaine de chansons dont deux créations (d’Antoine Cadec et de Nathan Tembo-Makunia), dix moments théâtraux dont un dialogue spécialement rédigé par Marius Yrrien et un poème de Bernard Chambré. Pour cette ultime animation, des comédiens nous rejoignirent donc sous la houlette de Chloé Régereau et des danseurs et gymnastes nous éblouirent dans un final impressionnant.
Au sein de la Troupe, en cette journée particulièrement, la Fraternité a été une évidence.
Le septième moment nous a été proposé par la municipalité : les Musiciens de Marc Bloch furent invités à participer à la Fête de la musique organisée près de l’Arsenal. Le mardi 21 juin, sous un soleil radieux, Baptiste Godefroy put mettre en œuvre cet épilogue en forme de reconnaissance. En deuxième partie de soirée, trois sets furent l’occasion de présenter hors les murs les talents de nos élèves-artistes. La plupart des chansons avaient été interprétées lors des animations précédentes sauf deux qui étaient des créations : Refuge naturel d’Antoine Cadec et Minute’s crush d’Alexis Cantineau (paroles de Chloé Grajewski). Même sans répétition, tout fut proche de l’excellence … as usual.
Postface
Au terme de cette évocation, quelques derniers mots moins descriptifs.
Tout m’a plu durant cette année écoulée, du moins tout dans le cadre de notre projet, même les moments de stress et d’incertitude. Trois moments se distinguent cependant dans mes souvenirs, des moments où l’armure faillit se fendre. Le premier correspond à la première étape de la déambulation du 9 décembre ; le poème de G. Sers, le texte d’Antoine, le chant d’Alexis m’ont bouleversé alors que l’on se remémorait le meurtre sanglant de Samuel Paty. Le deuxième a été une surprise : découvrir la voix de Nathan et la qualité de son texte sur l’esclavage le mercredi 4 mai juste après quatre heures de cours m’a tout simplement ému. Le troisième est lié à l’interprétation de Rue du Paradis par Antoine, Dévy et Noah, interprétation forte et poignante. Ces moments ne sont pas forcément les meilleurs pour tous, mais ce sont des moments qui ont pu entrer en résonance avec une histoire personnelle et avec l’humeur du jour probablement.
Je n’oublierai pas non plus le moment de communion à l’issue de la fête de la Fraternité.
Merci pour tout ce que vous avez fait ensemble et pour ce que vous êtes.
Salut et Fraternité
Pascal JEANNE
30 juin 2022
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